12 décembre 2024, Saint-Maximin La Sante Baume
Compte-rendu rédigé par Laure Sabine Bampi

Les projets de transformation des espaces extérieurs scolaires portent la double charge d’améliorer les interactions entre les élèves afin de pacifier le climat scolaire, et de répondre aux exigences environnementales nationales et européennes, liées à la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, les communes, les départements et les régions, décisionnaires dans les démarches de travaux des établissements scolaires, se voient engagées dans un processus qui impacte la pratique professionnelle des équipes pédagogiques et administratives, et qui modifie les usages des élèves. La conduite de ces projets, induit la coordination d’un panel d’acteurs élus, institutionnels et privés, engagés tour à tour dans la rédaction du programme, la transformation du patrimoine immobilier, la gestion des démarches d’autorisations d’urbanisme, le contrôle des dépenses, l’adaptation des projets éducatifs et pédagogiques.
Mais qu’en est-il de l’intérêt du développement personnel des usagers scolaires, dans cette recherche de compromis systémique ? `
La journée d’étude Faire classe autrement, s’est déroulée dans le groupe scolaire Paul Barles à St Maximin la Sainte Baume dans le département du Var. Cet établissement a été construit dans les années 80, et s’inscrit dans le mouvement international de l’architecture industrielle. Constitué d’un système métallique de poteaux poutres reprenant les grandes portées de la toiture en bac acier, l’édifice est conçu comme une micro-ville recouverte d’une peau métallique formant une protection contre les intempéries. Les larges circulations sont animées par les façades des salles de classe disposées en quinconce, et éclairées par une lumière zénithale assurée par la surélévation de la toiture formant une vague sur ses points d’appui.
Groupe scolaire Paul Barles – Plan du rez-de-chaussée

La cour de récréation est bordée à l’ouest et au sud par les édifices en plan en L de l’école, elle est fermée au nord et à l’est par des grillages fondés sur un muret en parpaings enduits. Elle est constituée à 80%de bitume. Dans le cadre d’un projet de Cour – jardin, les équipes pédagogiques et les élèves de l’école Paul Barles ont bénéficié en 2022 d’une année d’ateliers de médiation culturelle en architecture, urbanisme et paysage, pilotés par les intervenants du CAUE 83 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, créé par la Loi nº77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture), mobilisés par la municipalité de St Maximin la Sainte Baume. La mission du CAUE à l’école Paul Barle, est de repenser avec les usagers, les espaces scolaires extérieurs en vue de la création d’un espace de jeux favorisant le contact des élèves avec la nature. A l’issue de cette année scolaire de médiations, le CAUE a remis à la ville, un rapport compilant l’ensemble de ses études et ses propositions d’orientations d’aménagement. La difficulté pour la municipalité, de trouver les financements nécessaires à la réalisation du projet, la cour de récréation de l’école élémentaire n’avait pas été transformée au moment de la journée du 11 décembre 2025.
Cette journée avait pour objectif de créer un réseau de partenaires publics, institutionnels et privés afin de favoriser la mise en commun des expertises et des compétences de chacun, au service des projets de déimperméabilisation des cours de récréation. La première intervention de la journée s’est portée sur l’architecture de l’édifice et a été suivi par la visite de ce bâtiment, guidée à 3 voix par Patrick Aubert, directeur du service jeunesse de la ville de St Maximin la Ste Baume, par Laure Sabine Bampi architecte, directrice du CiN.Archi pour les intérieurs et l’articulation architecturale des éléments constructifs, et par Éric Marro, chargé de mission formation et conseil au CAUE du Var, pour les caractéristiques des espaces extérieurs. La cour de récréation présente une difficulté particulière pour les projets d’aménagement puisqu’elle est séparée en deux terrasses planes, par un dénivelé de plus de 2 mètres. Ce choix de traitement par terrassement, de la géomorphologie naturelle de la parcelle, a entrainé la nécessaire création d’un escalier monumental à usage des piétons et d’une rampe d’accès de 4 mètres de large, à usage des véhicules de secours. Ces deux aménagements considérés comme dangereux aux yeux des adultes assurant la surveillance des récréations, sont interdits d’accès sur les temps de récréation. Ainsi, Éric Marro a pu introduire, sur le terrain, la mission effectuée par le CAUE 83 en 2021 qu’il nous a, par la suite détaillé lors de son intervention.
L’objectif du CAUE, dans le cadre de ce projet de transformation des espaces extérieures, est double : répondre à l’urgence climatique en proposant le rafraichissement de la cour par la démolition des surfaces bitumées, répondre à l’urgence pédagogique en créant des espaces favorisant la pratique du dehors et la reconnexion des élèves avec le vivant (Rapport intermédiaire I – Mission de conseil et de sensibilisation pour réaménagement de la cour p.10). Les interventions des médiateurs se sont déployées sur 3 ateliers auprès des élèves : 1. promenade paysagère dans la cour et diagnostic, 2. Perméable ou imperméable ? 3. Notre cour rêvée. Et 2 ateliers auprès des adultes : 1. Diagnostic et constat. 2. Spatialiser les intentions. L’idée était d’amener les usagers à conscientiser leur environnement, à verbaliser les points forts et les points faibles des espaces et à poser un diagnostic de départ, permettant la hiérarchisation des besoins. A l’issue de cette année, l’équipe du CAUE a mis la municipalité en réseau avec les équipes de paysagistes partenaires (détenteurs d’un accord cadre multi attributaire) et a remis un rapport final contenant les prescriptions d’amélioration des espaces extérieurs. Patrick Aubert a précisé que la rupture du système de chauffage de l’école Barles en 2023 a marqué un coup d’arrêt du projet de transformation des espaces extérieurs, la part d’investissement en fond propre de la commune, ayant été réaffecté au chantier d’amélioration thermique. Ainsi, le projet est resté en suspens et ne trouve pas pour le moment, d’issue favorable. L’intervention d’Éric Marro soulève la question du montant de la part d’investissement propre des communes dans ces projets d’intérêt collectif à l’échelle d’un département. La procédure de financement des transformations des espaces extérieurs scolaires, parait desservir les petites communes rurales, qui disposent de moins de compétence sur le montage de dossiers financiers complexes.
La visite de site et les échanges autour du projet de Cour – Jardin du CAUE ont été tellement riches et source de questionnements qu’ils ont empiété sur la présentation de Cécile Provost, Cheffe de projet Plan climat air énergie territorial, du Syndicat mixte Provence Verte et Verdon. Lors des échanges libres, Cécile Provost a transmis à Patrick Aubert les éléments permettant le dépôt de demandes de financements régionaux en faveur d’une transformation des espaces publics. Une des aides régionales qui a retenu notre attention est celle de l’appel à projet Nature ta ville, mise à jour le 13 janvier 2025, couvrant les dépenses en études préparatoires et en achat et plantation de végétaux (la subvention est soumise à l’achat d’essences autochtones).
La matinée s’est poursuivie avec la présentation des missions de l’Agence de l’eau, représentée par Myriam David, Chargée d’intervention eau et pollution dans la Région Sud. Dans le cadre de cette intervention nous avons visionné le film L’eau y es-tu ?.
Puis nous avons abordé les modalités d’accompagnement financiers et techniques du 12ème
programme lancé en janvier 2025, que l’agence de l’eau assure auprès des collectivités territoriales. Myriam David nous a ensuite énuméré les 6 étapes de cet accompagnement soumis au préalable, à la réalisation d’une étude hydraulique de l’espace municipal, effectuée par un bureau d’étude technique (BET), qui se révèle souvent bloquante pour les petites communes rurales qui ne peuvent pas assurer l’avancement des frais de maitrise d’œuvre.
Corinne Jegou, maitresse de conférence à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) et chercheuse au laboratoire Apprentissage, Didactique, Évaluation, Formation (ADEF, Unité de recherche UR 4671 Aix Marseille Université) a ensuite pris la parole afin de poser un Contexte de réflexion sur la question de faire entrer la nature dans les établissements scolaires. Elle initie sa présentation en posant la question suivante : faire classe autrement, faire classe dehors, pour une éducation de qualité pour toutes et tous ? Au travers de son intervention, Corinne Jegou expose les attendus européens des objectifs de développement durable tels que définis par l’ONU et la façon dont ces objectifs ont été inclus dans les attendus programmatiques de l’école de la République. Ces objectifs transmis par l’institution, aux écoliers puis aux collégiens et aux lycéens, sont censés garantir une éducation de qualité pour toutes et pour tous.

Corinne Jegou a ensuite partagé le cas pratique d’un parvis d’école en milieu urbain enclavé dans un bâti dense ne bénéficiant d’aucune jardinière ni possibilité de projeter de la végétation malgré la motivation des équipes pédagogiques. Elle ouvre le débat sur la question de la mobilisation des extérieurs dans la pratique enseignante en citant le travail de recherche de Nadia Lausselet et Ismaelle Zosso (2023) qui dans leur ouvrage
Outdoor and Sustainability Education: How to Link and Implement Them in Teacher Education? An Empirical Perspective,
distinguent deux degrés d’interventions sur les espaces scolaires : l’amélioration et la transformation. Dans le premier cas, l’outil mobilisé dans la pratique enseignante permet de faciliter une tâche généralement effectuée sans l’outil, sa mobilisation permet d’améliorer l’action. Dans le second cas, l’outil mobilisé permet d’envisager une nouvelle approche pédagogique, impossible au préalable. Le parallèle avec la classe dehors est aussitôt fait, soit on fait classe dehors en reproduisant l’organisation spatiale et institutionnelle de la salle de classe intérieure, soit on fait classe dehors en pratiquant de toutes nouvelles approches pédagogiques.
S Substitution | A Augmentation | M Modification | R Redéfinition |
L’outil est utilisé pour effectuer la même tache qu’avant | L’outil apporte une amélioration fonctionnelle | L’outil transforme la classe les séquences pédagogiques sont repensées | L’outil permet une nouvelle approche, impossible avant |
Amélioration | Transformation |
Son intervention se poursuit sur la question de l’éducation basée sur le lieu d’apprentissage, avec la présentation de l’ouvrage Paths to place-based education de D. Granit-Dgani (2021, The Mofet Institute. Hebrew ) qui identifie les différentes approches de la classe dehors en les distinguant selon leur degré de transformation scolaire. L’auteur y aborde 4 dimensions distinctes : « l’apprentissage en place » tout d’abord, où l’enseignement est transféré de la salle de classe à un espace ouvert. « L’étude du lieu » ensuite, qui fait référence à l’étude de l’environnement et des processus qui existent dans ce contexte tout en restant dans cet environnement particulier. « L’apprentissage de l’endroit » par la suite, qui est ancré dans un environnement et ses composantes ayant un rôle éducatif unique pour les éducateurs et les apprenants. « L’apprentissage pour le bien du lieu » enfin, qui vise à défendre le changement de place en fonction des trois autres dimensions. Cette dernière dimension a fortement intéressé Benoit Milan, chargé de mission éducation au territoire et interprétation des patrimoines au Parc Naturel Régional de la Ste Baume (PNR, dispositif À l’école du Parc)2, qui est mobilisée dans l’approche éducative interactive entre élèves et préservation des sites naturels patrimoniaux. L’ensemble des éléments présentés par Corine Jegou nous a amené à nous questionner sur l’impact de la pratique du dehors sur la conception de l’apprentissage, sur le rôle des apprenants dans ce processus, et sur l’impact de la prise en compte du dehors dans la pratique enseignante. Elle soulève également la problématique d’une multiplicité d’acteurs et d’interlocuteurs qui constituent un frein dans les initiatives de transformation des pratiques et des territoires de l’Éducation Nationale.
La journée s’est poursuivie avec l’intervention de Laure Sabine Bampi, architecte en exercice et docteure en sciences de l’éducation. Laure Sabine Bampi rappelle les attendus de la Loi 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture qui a été rédigée afin d’assurer à tous les citoyens, un cadre bâti de qualité. Dans le cadre de cette démarche qualitative, la Loi prévoit une obligation de la profession d’architecte (par la voix des CAUE), de sensibiliser les publics aux questions relatives à l’architecture, au paysage et à l’urbanisme. L’outil de communication des projets d’aménagement défini par la Loi de 1977, est la concertation des publics. Il est également rappelé en préambule qu’un climat scolaire apaisé, améliore les conditions de travail des équipes ainsi que les conditions d’apprentissage des élèves. La concertation publique en architecture, le faire avec l’usager et la coopération, sont présentées ici comme un socle commun de compétences utiles à la conception et à la mise en œuvre d’une architecture qualitative. Laure Sabine Bampi présente ensuite l’architecture scolaire comme un auxiliaire pédagogique, qui plutôt que de contraindre et soumettre les usagers, devrait soutenir les enseignements et les apprentissages, par l’illustration pratique des savoirs fondamentaux. S’ensuit la présentation de sa recherche dans le groupe scolaire Sainte Marie Madeleine à St Maximin la Sainte Baume. Elle y explique le travail effectué en coopération avec les 3 groupes d’usagers scolaires constitués de : l’équipe administrative, (composée de la direction, des services de gestion de l’établissement et du service scolaire de la ville), l’équipe éducative (composée des enseignants et des animateurs du périscolaire) et l’équipe apprenante (composée des 270 élèves de la maternelle au CM2 et de leurs familles). Le premier constat de cette recherche est la généralisation des surfaces enrobées dans les cours de récréation, au détriment de surfaces en sol naturel1, y compris dans les communes rurales. Ce constat entre en opposition avec l’observation des espaces urbains abandonnés dans la commune, tels que l’ancienne voie ferrée Gardanne – Brignoles, ou l’ancienne coopérative viticole, qui ont été rapidement investis par une nature sauvage abondante (acacia, muriers, genets, lavandes, oliviers, figuiers). Ainsi, la problématique soulevée par Laure Sabine Bampi est : Pourquoi observe-t-on une absence de pratique pédagogique des espaces extérieurs scolaires intra-muros, vectrice de transformation territoriales et de renforcement du lien social ?Elle nous a ensuite présenté son terrain exploratoire ainsi que les usagers investis dans ce projet. La recherche s’est articulée de septembre à juin sous forme de médiation culturelle hebdomadaire, en architecture. Au premier trimestre les chercheurs et médiateurs transmettaient aux usagers scolaires, les outils utiles à la conception d’un espace partagé pensé collectivement afin de servir le projet pédagogique des enseignants. Au deuxième trimestres les usagers mobilisaient les outils acquis en première période afin de concevoir ces espaces dans une logique de réalisation, donc, en restant réalistes et économes en matériaux. Lors du dernier trimestres les usagers ont construit collectivement des structures permettant de s’approprier les extérieurs. Par la conception collective, la mise en œuvre et la compréhension des contraintes de l’objet architectural, il a été possible de réaliser des objets utiles aux élèves.

La journée s’est révélé être très riche d’enseignements, les profiles hétéroclites des participants a permis de poser des réflexions cadrées par les contraintes de chaque acteur du parcours de transformation des espaces publics scolaires. De cette journée est née une coopération étroite entre les chercheurs et les acteurs territoriaux. De nouvelles rencontres ont été programmées avec la direction générale des services de la ville de St Maximin la Sainte Baume, sur la question des financements du projet de l’école Paul Barle. Une réunion de travail avec le Syndicat mixte Provence verte et verdon a eu lieu à propos de la stratégie de sensibilisation des jeunes publics à la question du climat. Et une participation des chercheurs à la journée sur la petite enfance organisée par le département du var, la commune de St Maximin la Sainte Baume, la ville de Bras et l’académie de Nice qui soulèvera la problématique suivante : Aménager les espaces de la petite enfance. Quel est le rôle des acteurs éducatifs ?
Étaient présent·e·s à cette journée:
Jegou Corinne, Maitresse de conférence, chercheuse INSPE-ADEF-AMU, Bampi Laure Sabine – Architecte chercheuse Mesopolhis MMSH-CNRS-AMU, Directrice du CiN.Archi, Aubert Patrick – Responsable de service éducation jeunesse et citoyenneté, Mairie de Saint Maximin la Sainte Baume, Molet Delphine – Direction des affaires culturelles – Agglomération Provence verte, Millan Benoit – Chargé de mission Éducation au Territoire & Interprétation des Patrimoines, PNR Ste Baume, Robles Aurélie – Cheffe de projet du Pays d’art et d’histoire, Syndicat mixte Provence Verte Verdon, Provost Cécile – Chef de projet plan climat air énergie territorial, Syndicat mixte Provence Verte Verdon, Soudet Geneviève – Chargée des missions départementales sciences, technologie et EDD pour l’IEN de La Seyne-sur-Mer et l’IEN du MUY, chargés de la mission “Soutien, renforcement des sciences et de la technologie/EDD », Marro Éric, Chargé de mission conseil et formation, CAUE 83, Boyer Carine, Neede Méditerranée, Ferreruela Alfredo, éducation populaire CEMEA.
1 La surface de sol naturel, d’espace libre ou de pleine terre est une disposition générale en préambules des règlement locaux d’urbanisme. Selon la zone du projet, la surface peut être égale à 80% de la parcelle.